Par Philippe Mast, CRHA
Dans l’atmosphère fébrile d’une réunion d’équipe de direction au sein d’une start-up
technologique, l’excitation est à son comble : on vient de sécuriser un financement majeur pour développer une application révolutionnaire destinée à transformer la gestion des tâches quotidiennes. Cependant, dès les premières étapes de la planification stratégique, l’équipe rencontrait des obstacles, non pas par manque de compétences, mais en
raison de la dynamique interne. Sarah, la directrice technique, se souvient d’une réunion où elle hésitait à exprimer ses préoccupations concernant l’échéancier ambitieux. Craignant de paraître pessimiste, elle était restée silencieuse, et quelques mois plus tard, les problèmes qu’elle avait anticipés ont ralenti le projet. Cela a provoqué une frustration croissante.
Bien que fictive, cette situation met en lumière un principe essentiel : la planification stratégique nécessite bien plus qu’une vision claire et des objectifs définis. Elle repose sur la confiance mutuelle, une connaissance approfondie entre les membres de l’équipe de
direction, et un engagement envers un environnement de sécurité psychologique où chaque personne peut exprimer ses doutes ou opinions divergentes.
L’importance de la planification stratégique
Souvent perçue comme un exercice formel et rigide, la planification stratégique est en réalité un puissant levier pour la transformation des entreprises. Selon le Journal of Management Studies (2010), les entreprises dotées de plans d’affaires écrits croissent 30 % plus rapidement. De plus, 71 % des entreprises en forte croissance ont des
plans stratégiques ou utilisent des outils de planification à long terme (Upton, 2008).
Concrètement, la planification stratégique est une démarche continue permettant d’exploiter les informations disponibles pour établir clairement la direction à suivre. Cette pratique aide à hiérarchiser les initiatives stratégiques, à répartir judicieusement les ressources, à
harmoniser les objectifs des actionnaires et des personnes employées avec les ambitions de l’organisation, et à s’assurer que ces objectifs reposent sur des données vérifiables et une logique solide. Pourtant, une étude de Bridges Business Consultancy révèle que 48 % des dirigeantes et dirigeants consacrent moins d’une journée par mois à discuter de stratégie, et près d’un quart des organisations ne révisent leur stratégie qu’une fois l’an.
Les fondations essentielles pour une planification stratégique réussie
Un leader efficace, comme le décrit Jim Collins, ne travaille pas en solitaire, mais après avoir constitué une équipe de direction robuste qui prône une culture de confiance mutuelle. Cette confiance permet à chaque personne de s’exprimer librement dans un environnement sécurisé, tout en ayant les compétences nécessaires pour approfondir les
discussions. Les études démontrent que les équipes dotées de forte confiance mutuelle bénéficient d’un engagement renforcé, d’une innovation accrue, et d’une meilleure capacité à surmonter les défis, avec une augmentation de 21 % de leur rentabilité par rapport à des entreprises qui ont plus l’habitude de douter des intentions et de la fiabilité des autres.
Pour éviter les pièges de la planification stratégique, il faut :
- Encourager l’introspection individuelle et collective :
une bonne connaissance de soi et de ses collègues permet de surmonter les biais cognitifs qui entravent la réflexion stratégique. Dépendamment de ses préférences et de ses motivations, chaque membre de la direction peut avoir plus tendance à vouloir relever des défis ou à surtout éviter des désaccords, à être optimiste ou bien sceptique, à chercher la cohérence ou bien le changement, à faire les choses à sa façon ou bien à
se conformer à la structure et au modèle d’affaires existants. - Prendre le temps de réfléchir : éviter de précipiter la planification stratégique en ressassant les mêmes idées ou en sautant rapidement aux conclusions. Il est essentiel de diverger, faire preuve de créativité et d’explorer toutes les hypothèses, même les
plus extravagantes. - Développer les compétences collectives : l’équipe doit être suffisamment compétente pour amener la réflexion à un niveau stratégique. Cela qui nécessite une bonne maîtrise des dynamiques sectorielles et des innovations.
Pour optimiser les réunions de planification stratégique, voici quelques conseils clés :
- Favorisez la connaissance mutuelle et la confiance :
débutez par des ateliers sur la compréhension des besoins et des motivations des membres de l’équipe (comme le test NOVA) pour cerner les forces et les angles morts du groupe. Assurez-vous d’avoir suffisamment de diversité émotive et cognitive pour explorer des obstacles complexes. - Prenez le temps de réfléchir : plutôt qu’un lac à l’épaule, organisez des séances régulières de réflexion stratégique sur plusieurs mois. Cela permet une analyse en profondeur des besoins du marché, des perspectives, et de la compétitivité de l’entreprise.
- Suivez un processus rigoureux : créez un cadre de réflexion stratégique qui permet de repenser la mission, la vision, et les valeurs de l’entreprise. Un processus bien structuré contribuera à éviter les résistances culturelles et à garantir la cohérence dans la
prise de décisions. - Adaptez votre structure organisationnelle :
réfléchissez à la structure de votre entreprise et au partage des responsabilités en fonction non seulement du nouveau plan stratégique, mais aussi des forces et des motivations de chaque personne, plutôt qu’en fonction de critères purement organisationnels. - Anticipez les résistances aux changements afin de bien les gérer :
prenez le temps de comprendre quelle sera la réaction des individus et des groupes aux changements que vous proposez. Est-ce que ces changements ont du sens pour eux? Vont-ils y adhérer facilement? Comment les mobiliser tout en conservant un climat de travail positif? - Atterrissez avec un plan simple et lisible par tous : utilisez des outils comme le Business Canvas pour clarifier la stratégie. « La plupart des dirigeants ne savent pas
formuler l’avantage compétitif de leur entreprise en une simple phrase »
(David Collis, professeur à la Harvard Business School).
Références
- Journal of Management Studies, 2010. The Multiple Effects of Business Planning on New Venture Performance. En ligne. https://effectuation.org/hubfs/Journal%20Articles/2017/06/The-Multiple-Effects-of-Business-Planning-onNew-Venture-Performance.pdf
- Upton, 2008. Strategic and Business Planning Practices of Fast Growth Family Firms. En ligne. https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/0447-2778.00006
- HBS, 2020. ‘ Why is Strategic Planning Important?’. En ligne. https://online.hbs.edu/blog/post/why-is-strategic-planning-important
- Bridges Consultancy, 2021. “20-Year Results From Surveying Strategy Implementation“. En ligne. https://www.bridgesconsultancy.com/wp-content/uploads/2016/10/20-Years-of-Strategy-Implementation-Research-2.pdf
- Jim Collins, 2005. ‘Level 5 Leadership : The Triumph of Humility and Fierce Resolve’. En ligne. https://hbr.org/2005/07/level-5-leadership-the-triumph-of-humility-and-fierce-resolve
- AIIR Consulting, 2020. ’22 Insightful Statistics on Team Performance and High-Performing Teams’. En ligne. https://aiirconsulting.com/resource/22-statistics-that-reveal-the-truth-about-teams/